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Comptes rendus

Denis Gautier et Tor Arve Benjaminsen eds., Environnement, discours et pouvoir. L’approche Political ecology

Paris, Éditions Quæ, 2012, 256 p.
Fabien Gaveau

Texte intégral

Denis Gautier et Tor Arve Benjaminsen eds., Environnement, discours et pouvoir. L’approche Political ecology. Paris, Éditions Quæ, 2012, 256 p.

1Fruit de multiples discussions, cet ouvrage très dense, qui rassemble douze textes importants, envisage les interactions environnement-sociétés sous l’angle spécifique du lien entre intérêts économiques, changements écologiques et luttes politiques, comme le précisent les deux coordinateurs en ouverture du volume.

2Définie dans les années 1970, la political ecology entend conceptualiser les relations complexes entre ces trois domaines tout en se reconnaissant une ambition scientifique, politique et citoyenne. En introduction, une mise au point épistémologique montre combien cette réflexion a le souci de mettre la recherche au service de l’action concrète.

3Aujourd’hui, la political ecology peut apparaître comme une méthode d’analyse qui décrit les dynamiques sociales en se centrant sur l’accès, le contrôle et l’usage des ressources. Né dans un contexte anglo-saxon, ce regard interroge les traditions françaises d’analyse des relations entre les sociétés et leur environnement, analyse, à bien des égards, moins politisée initialement.

4Onze contributions constituent le corps de l’ouvrage. Deux sont spécifiquement consacrées à l’exposé de ce champ du savoir (chapitres 1 et 2). Les neuf autres appliquent la méthode à des cas concrets : les marais du Scamandre en Camargue occidentale ; les discours environnementaux internationaux ; la conservation en Afrique ; la bioprospection ; les feux de brousse et les émissions de gaz à effet de serre en Côte d’Ivoire ; le changement climatique au Sahel ; trois fleuves français : Seine, Rhône, Garonne ; la gestion de l’eau ; les forêts aménagées au Mali.

5Autant dire que le lecteur fait d’abord le plein d’informations factuelles. Mais, au-delà, c’est bien l’approche polical ecology qui assure l’unité de l’ensemble. Toutefois, comme le prouve dès le premier chapitre Paul Robbins (Université du Wisconsin), ce n’est ni une méthode ni une théorie, mais une manière d’aborder les relations sociétés-ressources-environnement, un état d’esprit, un style discursif.

6Les outils sont empruntés aux disciplines les plus variées dans le souci d’explorer des situations qui ont en commun d’interroger les interactions précédemment évoquées. Paul Robbins ajoute qu’il est « nécessaire de comprendre dans quelle mesure [les résultats d’une situation] ne sont pas fortuits et sont persistants et répétitifs : une structure de résultats qui produit des gagnants et aux dépens de perdants » (p. 27). De là, il apparaît que la political ecology est d’abord mue par le désir de rendre compréhensible les enjeux liés à des choix d’utilisation de ce que recèle la Nature.

7Tous les articles insistent sur les représentations construites, héritées et diffusées qui façonnent notre manière de concevoir les ressources et l’environnement. Ainsi, la political ecology parle des relations entre sociétés et milieux en repérant la nature des représentations collectives qui les sous-tendent à un moment donné et en en cherchant l’origine. En cela, les sciences sociales et humaines apportent leurs méthodes.

8Cela débouche sur un type de récit dont la particularité est de mettre l’accent sur les acteurs à l’origine des modes d’utilisation des ressources et sur la manière dont les sociétés se rallient à ces modes d’utilisation ou sont contraintes de les accepter. Ce faisant, des intérêts et des rapports de force sont à l’œuvre dans la manière d’exploiter et d’appréhender les espaces, d’encourager, de contester ou de réorienter les pratiques sociales.

9Les auteurs sont amenés à montrer que l’industrie et le libéralisme ont contribué à promouvoir des ressources, à condamner certaines formes d’exploitation des terres pour leur en substituer d’autres. La condamnation de l’écobuage et la diffusion du palmier à huile en sont de bonnes illustrations.

10En somme, ce volume présente un grand intérêt épistémologique en redonnant à la recherche une place centrale dans la mise à nu des préjugés et l’identification des enjeux que portent les discours sur la Nature. Mieux, par la political ecology c’est la relation entre le savant et le politique qui est reconfigurée, d’une manière radicalement différente de celle qu’avait proposée Max Weber. Les auteurs semblent opter pour la fin des cloisonnements entre ces deux domaines afin que chacun puisse être éclairé et puisse peser sur les choix politiques.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Fabien Gaveau, « Denis Gautier et Tor Arve Benjaminsen eds., Environnement, discours et pouvoir. L’approche Political ecology »Études rurales [En ligne], 193 | 2014, mis en ligne le 01 janvier 2014, consulté le 18 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/etudesrurales/10081 ; DOI : https://doi.org/10.4000/etudesrurales.10081

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Auteur

Fabien Gaveau

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