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Comptes rendus

Michel Petit, Pour une agriculture mondiale productive et durable

Paris, Éditions Quæ, 2011, 112 p.
Fabien Gaveau

Texte intégral

Michel Petit, Pour une agriculture mondiale productive et durable. Paris, Éditions Quæ, 2011, 112 p.

1Fin connaisseur des politiques publiques agricoles, Michel Petit discute ici les défis de la modernisation de l’agriculture. Il examine l’impact de la science sur les mutations techniques, distinguant les apports réels de productivité de la perception humaine de ces changements. Il décrit les implications de ces changements techniques sur les structures agricoles.

2L’ouvrage est organisé en trois parties. Le bilan de plusieurs décennies d’évolution des techniques ouvre l’ensemble. Pour Michel Petit, la réussite est réelle : la planète produit globalement assez de biens pour satisfaire la demande alimentaire mondiale. Certes, le productivisme a de lourdes répercussions sur les écosystèmes, la qualité des sols, des eaux, et sur la biodiversité. En outre, la malnutrition et l’insécurité alimentaire persistent. Toutefois, l’auteur attribue ce problème à des choix politiques et économiques qui ne doivent pas grand-chose à la pratique agricole elle-même.

3Dans une deuxième partie, Michel Petit propose des pistes de préservation des équilibres environnementaux en s’appuyant sur des études de cas. Ainsi, les progrès de l’agriculture chinoise s’expliquent par de lourds investissements publics, notamment dans l’irrigation, les transports et la mécanisation, et par l’usage d’OGM. Cette success story est-elle pour autant durable ? L’auteur sous-estime ici les déséquilibres agro-environnementaux pour conclure à la réussite globale de cette entreprise. Par ailleurs, dans l’État indien du Gujarat, l’adoption d’un coton transgénique dépendant d’une filiale de Monsanto a accru les rendements mais a aussi engendré des tensions sociales. En Afrique, enfin, la conquête de nouvelles terres et l’usage de nouvelles techniques expliquent une hausse réelle des rendements, et ce sous l’impulsion des pouvoirs publics. Tous les exemples retenus par Michel Petit révèlent l’importance des petites exploitations et de l’impulsion publique pour moderniser l’agriculture.

4Les Cerrados du Brésil, régions de savane dont la mise en valeur date des années 1970, prouvent combien des terres sans intérêt peuvent devenir un grenier : c’est aujourd’hui la grande région productrice de soja (plus de 50 % de la production du Brésil). Un institut agronomique public, l’EMBRAPA, a accompagné cet essor en apportant son expertise à des agriculteurs expérimentés et subventionnés par les pouvoirs publics.

5Enfin, les réformes libérales des années 1990 ont permis d’accéder à de nouveaux débouchés. Reste la question de la durabilité sociale et environnementale d’un tel développement.

6Le cas français est repris en évoquant les grandes étapes de la modernisation agricole depuis les années 1950.

7À l’issue de ce parcours, trois débats retiennent l’attention de l’auteur. Les OGM ? Si la prudence paraît nécessaire, Michel Petit note que, depuis une quinzaine d’années, aucune preuve d’un vaste problème sanitaire n’a été apportée. Les régions qui les cultivent dopent leur production ; les autres sont en perte de vitesse. Les pesticides ? Indispensables à la protection des cultures, ils sont de mieux en mieux définis, ce qui réduit leurs effets indésirables. La marginalisation des paysans pauvres ? Si l’auteur tient à rappeler le rôle central des petites exploitations dans la production, il estime que ceux qui refusent la science sont voués à la marginalité. Cela dit, la nouvelle ruée sur les terres (leur accaparement massif) a un effet destructeur sur les petites paysanneries, qui auraient pu être des forces de progrès économique dans les pays en développement.

8En somme, tout l’ouvrage prône l’indispensable modernisation de l’agriculture qui passe par une alliance entre les petites exploitations, les pouvoirs publics et les experts agronomes. L’auteur pense que, si l’usage des techniques est soigneusement encadré par le législateur, les écosystèmes peuvent être préservés sans qu’il soit nécessaire de refuser le progrès.

9L’ouvrage expose une conviction personnelle qui s’inscrit à contre-courant de ce que les libéraux revendiquent pour l’agriculture. Cela dit, des points essentiels restent à discuter. Ainsi, Michel Petit n’évoque guère comment les petits exploitants peuvent investir dans des techniques coûteuses sans être obligés d’accroître les structures de leur exploitation pour rembourser leurs investissements. En outre, les paysans devraient être épaulés par des cohortes d’experts pour bénéficier des apports du progrès et de la science. Or, l’expertise est ici sublimée, et la figure de l’expert n’est ni décrite ni critiquée. Quid de son indépendance vis-à-vis des théories dominantes et des intérêts économiques ? En quoi, d’ailleurs, le savoir coutumier est-il incompatible avec une exploitation agricole raisonnée ?

10D’ailleurs, les techniques n’ont de chance d’être acceptées dans un contexte social qu’à condition de ne pas se présenter comme trop étrangères à l’organisation existante. Sous cet angle, l’auteur ne parvient pas à convaincre que la modernisation rapide de l’agriculture est possible à moindres coûts sociaux et environnementaux.

11Enfin, ce plaidoyer mérite d’être discuté du point de vue de la petite exploitation indépendante, qui était la structure idéale aux yeux des agrariens français jusque dans les années 1950. Qu’est-ce qu’une « petite exploitation » aujourd’hui à l’échelle planétaire ? Comment ces petites unités pourraient-elles prendre place au sein d’un marché agricole mondialisé ?

12Ces quelques questions suffisent à montrer que l’ouvrage ouvre des pistes de discussion même si son argumentaire paraît parfois trop rapide. Mais c’est peut- être son format qui veut cela !

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Pour citer cet article

Référence électronique

Fabien Gaveau, « Michel Petit, Pour une agriculture mondiale productive et durable »Études rurales [En ligne], 192 | 2013, mis en ligne le 24 février 2016, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/etudesrurales/9975 ; DOI : https://doi.org/10.4000/etudesrurales.9975

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Auteur

Fabien Gaveau

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